Au lieu de rester sur les perspectives anciennes qui comptent sur des taux de croissance élevés du PIB pour lutter contre le chômage, il est temps de changer d’orientation. Ce n’est pas parce que ces perspectives anciennes font quasiment l’unanimité parmi les hommes au pouvoir, ou parmi ceux qui y prétendent, qu’elles sont plus crédibles. Non seulement il est illusoire de croire qu’un taux de croissance élevé du PIB est possible, mais plus fondamentalement il faut reconnaître que le PIB n’est pas un indicateur de bien-être. Autrement dit la politique économique ne peut tenir lieu de politique comme si tout en dépendait.
Un changement d’orientation suppose bien sûr de reconnaître que l’emploi est un facteur d’intégration sociale et d’émancipation individuelle. La recherche du plein emploi s’impose donc.
A ce propos, un appel de 150 personnalités paru en mai 2016 dans Alternatives économiques veut remettre la réduction du temps de travail au cœur du débat public. En effet le chômage de masse mine depuis longtemps la société française. Il y avait au printemps 2016, 2,6 millions d’inscrits à Pôle emploi en plus par rapport à 2008. L’appel constatait que « les perspectives de croissance sont limitées et le resteront. De plus, la révolution numérique et la robotisation pourraient bien, elles aussi, menacer de nombreux emplois ».
Certes « d’autres pays affichent un taux de chômage plus faible que la France. Le plus souvent ce résultat est atteint grâce à un vaste secteur de « travailleurs pauvres », via une croissance massive du travail à temps partiel féminin et un retour en force du travail indépendant. Ces personnes occupent bien un emploi, mais n’en ont pas moins les plus grandes difficultés à se soigner, à se loger, à éduquer leurs enfants…Bref, à mener une vie décente. Ces politiques creusent de plus les inégalités entre les riches et pauvres et les écarts entre hommes et femmes »
« Si on veut éviter ces écueils tout en faisant reculer rapidement le chômage, il faut « travailler moins pour travailler tous et mieux ». Au tournant des années 2000 le passage aux 35 heures hebdomadaires avait eu un effet très positif sur l’emploi et l’activité, malgré certaines difficultés dans sa mise en œuvre, notamment en matière d’intensification du travail. Il faut d’urgence reprendre ce chemin, même s’il faut probablement s’y prendre autrement, et notamment ne plus raisonner seulement sur le temps de travail hebdomadaire ».
L’appel des 150 personnalités poursuivait : « Nous avons pleinement conscience de la difficulté de l’exercice tant en termes de financements que d’organisation des entreprises, mais cette question doit revenir au cœur du débat public. Non seulement pour réduire le chômage, mais aussi pour reprendre la marche en avant du progrès social et sociétal en favorisant des modes de vie plus équilibrés et plus respectueux de l’environnement ».
Dans la mesure où il y actuellement un véritable tabou sur la question de la durée du travail, l’Encyclopédie pour un changement de cap (ECC) reviendra sur les conditions critiquables à certains égards dans lesquelles ont été introduites les 35 heures, et sur le fait que les rapports les plus sérieux prouvent néanmoins que cela a permis de créer 300 à 350 000 emplois.
Guy Roustang